Les 70 ans du Janus

Le 26 janvier 2024, l’École Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art (ENSAAMA) a été le théâtre d’une célébration mémorable, l’anniversaire des 70 ans du label Janus.

Cette soirée, animée par Anne-Marie Sargueil, présidente de l’Institut Français du Design, a rassemblé des figures emblématiques mettant en lumière des projets légendaires qui ont façonné le patrimoine du commun du design.

Les Géants du Design Automobile à l’Honneur : Yves Dubreil et Jean-Louis Barrault, deux noms incontournables du design automobile français, ont pris la parole lors de cet événement, partageant avec passion leur contribution à l’histoire du design français. La soirée a été l’occasion de revenir sur des mythes de l’industrie, tels que le projet X06, qui a donné naissance à la Twingo, et la célèbre Méhari de Renault.

L’Aventure Méhari racontée par l’Autodidacte Jean-Louis Barrault

Jean-Louis Barrault a captivé l’audience en partageant son parcours singulier dans le monde du design : « Je suis un autodidacte, je n’ai aucun diplôme, la seule chose que je sais faire, c’est dessiner », a-t-il déclaré. Sa passion pour le dessin et sa maîtrise de la langue anglaisel’ont conduit à la Compagnie de l’Esthétique Industrielle (la C.E.I?, l’agence de Raymond Loewy), avant de devenir le designer de Moulinex, où il a développé un département de design sous la direction d’Harold Barnett. Une aventure qui a duré 37 ans.

L’histoire de la Méhari, imaginée par Roland de la Poype et conçue initialement pour le salon de l’automobile de Paris de 1968, incarne l’esprit d’innovation et l’audace qui caractérisent le design à la française : « Citroën souhaitait un véhicule « marrant » à présenter au salon de l’automobile de Paris de 1968. On a conçu la Méhari et à la rencontre de notre projet, le président de Citroën s’exclame : ‘Cette histoire, c’est une rigolade’. À la fin du salon Citroën avait vendu quelques milliers de voitures et ne savait pas comment les fabriquer ! Il a fallu trouver un fabricant, à Levallois, au départ, le volant glissait dans les mains, le châssis ne tenait pas. Cette voiture a démarré avec la vente de quelques milliers de centaines de véhicules et toutes les pièces détachées sont maintenant entre les mains d’un certain nombre de fabriquant qui reconstituent des Méhari. Dans des cas impensables, on peut arriver à revisiter des produits qui défient toutes les attentes des consommateurs. » La conception a définitivement prouvé que, dans le domaine du design comme l’incarne la philosophie de Jean-Louis Barrault : « Le design est un métier polyvalent. Tout est possible. »

Son intervention s’est conclue par une ode à la profession de designer, une activité qui s’adapte et interagit constamment avec les évolutions du monde qui nous entoure. Cette réalité est palpable au sein de cette école, où la diversité est célébrée, avecune participation toujours plus nombreuse des femmes dans cette activité de création, non seulement notable mais dont on peut aussi se réjouir : le design est promis à un futur riche en perspectives.

Yves Dubreil et la génèse de la Twingo

Yves Dubreil revient sur son parcours remarquable depuis son entrée chez Renault en 1969, après ses études à Polytechnique. « Raymond H. Lévy me dit : dans cette entreprise il y a 295 personnes dans 59 pays qui mettent de l’ordre, nous on doit mettre du désordre. Le message était clair : faire des erreurs était permis, mais renoncer était inacceptable. Un peu de désobéissance de la bienveillance et du collectif… » se souvient-il, soulignant une philosophie d’innovation et de remise en question encouragée dès ses débuts, valorisant la confrontation bienveillante comme moteur de progrès.

Tout au long de son aventure chez Renault, Yves Dubreuil a navigué à travers divers rôles : de la Direction du Produit à celle de la Prospective et de l’Innovation, en passant par l’unité Sièges et les directions de projets véhicules. C’est dans ce cadre qu’il a contribué à l’un des plus grands succès de l’entreprise, le projet X06, qui allait devenir la Renault Twingo : « On cherchait à faire une petite voiture sympa pas chère » explique-t-il, une tâche qui semblait simple en théorie mais complexe en pratique. L’innovation de la Twingo résidait dans sa construction monocoque, une première pour le segment des citadines, inspirée des monospaces. Dirigée par Dubreil, avec les designs extérieur et intérieur conçus respectivement par Jean-Pierre Ploué et Gérard Gauvry, la Twingo a été dévoilée au Mondial de l’automobile de Paris en 1992 et lancée en 1993. Son nom, un fusion des mots « twist », « swing » et « tango » est le reflet de son caractère marquant « les gens s’arrêtaient dans la rue pour la regarder et lui sourire en retour ».

Jean-Paul Manceau, ancien collaborateur de la CEI et recruté par Patrick Le Quément, a introduit la Twingo devant le jury du Janus avant même son lancement officiel. À la demande insistante des jurés, la voiture a été livrée sur un camion pour l’occasion, soulignant l’importance de l’expérience directe, de l’expérience tangible du design, pour apprécier pleinement le travail de conception : ouvrir ses portes et son capot, toucher, s’y asseoir, car comprendre son design passe aussi et surtout par le ressenti et l’utilisation pratique.

Avec plus de 3,7 millions d’unités vendues à travers le monde, la Twingo célèbre en 2023 son 30ème anniversaire, consolidant sa place comme l’une des plus grandes fiertés du design automobile français.

La célébration des 70 ans du Janus à l’ENSAAMA a non seulement honoré l’héritage du design à la française mais a également présenté de riches de perspectives pour l’avenir du design.

L’événement a également été marqué par les interventions de personnalités inspirantes telles que :

• Anne-Marie Sargueil, Présidente de l’Institut Français du Design, a accueilli ses invités en choisissant l’image de la locomotive CC : symbole de design des pionniers visionnaires et précurseurs de l’Institut d’Esthétique Industrielle.
• Xavier Allard, directeur du design chez Alstom et ancien de l’école Ensaama, a évoqué l’histoire conjointe d’Alstom et du Label Janus. Son intervention était illustrée par un extrait vidéo issu des archives de l’INA, moment fondateur du label officiel de design, sur la présentation du premier lauréat du label Beauté France (label Janus), par Monsieur Raymond Boisde, Secrétaire d’État au Commerce, aux côtés de Louis Armand, directeur général de la SNCF, sur le quai de la gare avec la motrice électrique CC7121 récompensée en arrière plan.
• Eric Chenal, directeur de l’Ensaama, a présenté la table du Conseil des ministres, Medulla, imaginée par quatre étudiants du DSAA Design Produit de l’Ensaama : Etienne Bordes, Misia Moreau, Lucille Poous et Julien Roos, lauréats de la première édition du Prix Mobilier national – Jeune création sur le thème du Mobilier du XXIème siècle.
• Jean Michel Chaudeurge, entrepreneur et fondateur, a partagé son expérience dans la création d’objets emblématiques tels que la YoYo et le Babycook
• Katie Cotellon, Présidente du conseil d’administration de l’ENSCI, Directrice du design et de l’expérience utilisateur de Saint-Gobain Recherche, a apporté sa contribution au débat sur le design du futur

En conclusion : les futurs concepteurs étaient pleinement associés à cette rencontre inter-générationnelle, tournée vers le futur. Mathieu Boimare et Michel Vandamme ont annoncé le lancement la prochaine édition internationale du Janus de l’Etudiant.

En toile de fond de l’événement :

• la présentation de la grande fresque « Mémoire & Vision » associée des dessins de personnalités du design français invitées à exprimer leur interprétation de la figure mythologique du JANUS : un espace propice à l’exploration des acquis du passé et ouvert aux promesses encore inexplorées du futur, où puiser son inspiration et nourrir son imagination, à l’aune des grands défis de notre siècle.

• la signature de l’ouvrage « Quel design pour un futur incertain ? Est-il possible de concevoir autrement ? » (éditions l’Harmattan) de Jocelyn de Noblet, docteur ès lettres, chercheur, professeur, ainsi que fondateur et directeur du Centre de recherche sur la culture technique. L’œuvre souligne l’urgence d’adopter une nouvelle culture matérielle respectueuse des limites de notre planète.

Nous remercions l’amicale participation de nos partenaires pour leur contribution essentielle à la valorisation des actions du Conservatoire du Design et de la Marque de l’Institut Français du Design, et tout particulièrement :

BpiFrance

Renault

Maif

Picard